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Sculptrice, peintre et performeuse de danse butô et improvisée, j'insinue dans le corps, la pierre et les mots, les rémanences des lieux et moments que je traverse, en écho au contexte socio-politique, sous une dimension poétique . Pratiques que je qualifierais d'auto-poièse (1).

Consubstantielle à la nature, j' incarne le flux de la vie, influencée par mes rencontres artistiques transdisciplinaires et la convergence des philosophies occidentale et orientale : butô, tao, shinto, yogas . J'instruis un espace de communication intime, authentique et réciproque, avec la matière ; nous coopérons et coconstruisons . Mon attention se porte sur        la relation et les répercussions induites par l'échange . C'est dans la fissure de l'être que sont mises en lumière la force et la fragilité qui soulignent notre interdépendance :           un entre - deux ténu, vide prêt à s'emplir, que les japonais nomment le Ma . J'accueille et pénètre l'atmosphère ; ma conscience se fait la vigie active de l'instant pour s'abandonner à l'inconnu qui se dévoile . Je m'inscris dans le mouvement et laisse les choses apparaître dans l'immanence . Dans cette dynamique, le fil rouge d'une intention se dessine et influence la progression jusqu'à la forme finale . Je retrouve un processus similaire dans le free jazz et les musiques improvisées : les musiciens entrent en résonance avec l'univers qui se crée instantanément et posent leur attention sur les synergies qui se composent, aux aguets, prêts à bondir dans l'espace sonore qui les unit .

Il s'agit de rendre visible l'invisible, de lire entre les lignes . Je mets en perspective, plus que je ne représente le réel . J'explore les énergies de la nature, leurs interactions et leurs rapports de forces : équilibres, complémentarités, antagonismes, intensités, flux et incidences . Je mets en parallèle ces schèmes complexes avec les liens créés par l'individu avec son milieu : convenance, cohérence, confrontation, résistance, résignation, indifférence .

 

Dans le dialogue qui s'engage, des mémoires resurgissent : la pierre révèle son histoire par sa composition, fossiles et silex en témoins, l’érosion atteste de son instabilité et ses cicatrices, son usage par l'homme . Elle reflète l' hospitalité tant pour les vivants que pour les morts . Par la fracture violente du geste de la sculpture et la tendresse du polissage, elle me renvoie à la puissance et à la vulnérabilité de la Terre et du vivant . Être hôte, n'est ce pas accueillir et être accueilli en même temps ? Toute matière n'est elle pas le fruit d'une déstructuration qui se recompose sans cesse en de nouvelles circonstances ?

A contrario du mode de création avec la matière brute, le modelage des matériaux transformés , comme le ciment, le plâtre ou le béton, invite des vies humaines dans la ronde de ce vortex d’énergies .

Dès lors que j’oeuvre en deux dimensions, c’est par la danse que j’aborde le plan, de façon géométrique, tel une écriture chorégraphique  : les rapports dans l’espace, l’intensité des lignes de force, la couleur, l’opportunité du point ou du vide, et la création d’un équilibre donnent sens et musicalité à la composition . D’autre part, j’exploite le geste et le mouvement dansé pour une forme quasi calligraphique .

En tissant des occurrences dans l'expérience partagée, je suggère métaphoriquement la multiplicité des perspectives d'appréhension et le conditionnement tacite de nos perceptions . Jouant volontiers de l'ambivalence des mots et de glissements de champs sémantiques, je titille les jugements immédiats en laissant sciemment une zone floue à l'interprétation ; ainsi confié à son histoire intime, le spectateur est déstabilisé mais reste libre de se positionner, avec sa propre sensibilité .

 

Dans le tunnel de ces questionnements, des ponts se construisent et me guident vers des recherches plus abstraites : réflexions autour de la phénoménologie et la microgénèse qui théorise l'expérience immédiate par une structure dynamique de différenciations et de développements progressifs du sens, la synergologie qui décode la communication non verbale, la kinesthésie pour un langage du mouvement chorégraphique incluant l'interaction avec l'environnement, les systèmes physiques et énergétiques du corps humain et les diverses disciplines inférées par la pierre, de la géologie aux cartographies des vivants.

 

Le champ est ouvert, la vie continue, le processus entamé toujours prêt à s'ouvrir à d'autres voies.

 

 « Il revient à l'art d'être unificateur, de frayer un passage à travers les distinctions conventionnelles, de même il revient à l'art (comme expérience esthétique) de faire concentrer        les différences au sein de la personnalité individuelle, de supprimer l'atomisation et les conflits entre les éléments qui la composent et de tirer parti de leurs oppositions pour                                       construire une personnalité riche » John Dewey, L'Art comme expérience, Oeuvres philosophiques 3, p.292, P.U.de Pau, Ed.Farrago

 

(1) Propriété d'un système de se produire lui même, en permanence et en interaction avec son environnement, et de maintenir ainsi son organisation malgré le changement des composants                                                                                                                                            (structure), source Wikipedia

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